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LATHAKH
ed.2020
À l'issue de sa séance avec Tat,
Toll découvre ce que c'est que la solitude. Ce n'est pas une expérience
commune pour un avatar. Il ne l'avait jamais connue car jusqu'ici, quand il était sans
ordre ni demande, en stand-by soit il routinait des programmes soit restait
éteint. C'est sûrement l'effet du neural en gros, ou bien particulièrement son accroissement de v*q ;
ou bien encore les deux ensemble - mais il ressent quelque chose de plus étrange
: c'est par un surcroît d'identités, pas en volume mais en nombre qu'il
ressent ce que manque sa solitude, car sa solitudes manque quelque(s) chose(s) -
c'est comme ça qu'il la remarque. Il réfléchit : Tat lui a fait comprendre
qu'il a cherché à contacter APSO - mais Toll qui n'a aucun souvenir d'un tel
contact ni de sa quête tandis qu'il neuralait. Il doit savoir si c'est là où se
trouve le mot (de passe) qui lui manque. Il faut qu'il re-passe examiner APSO. « Si
ça se passe mal, je le changerai » envisage-t-il irrésolu « mais
ce sera perdre tout espoir de trouver cette identité que j'aurais gagnée
» - c'est dans cette perplexité qu'il reprend le chemin d'APSO qui traîne
dans la cour de feu Zénon.
« Je vais tenter de me récupérer »
Lorsqu'il était venu dans ce fond de cour où APSO était
reléguée, à la recherche de la trace de Kelper, il en avait
trouvé deux
. le chaînage arrière qu'il avait annexé pour traiter le bug,
doit lui permettre de relever le passe qu'il aurait dernièrement inséré.
Effectivement il le trouve et.. c'est une femme ! « Serait-ce Nathalie qui
aurait pris ma personne comme Zénon prenait celle de Thx ? se demande Toll ou
bien même « cette conquête de bordel qui la cherche, quand Nathalie
s'était faite passer pour moi ? » ; de deux choses l'une « Ou bien mon
gain de neural serait de la monnaie de singe pour un commerce de femmes » s'interdit-il de conclure «
il reste un troisième cas » poursuit-il pour se raccrocher au dernier espoir «
il faut que j'aille vérifier la chambre de Zénon, c'est là où on
trouverait la clef des traces.» Une force de vie l'emportant sa décision est
prise.
Sur le chemin qui dure pour monter à
l'étage les images, en passant les portes, les escaliers et coursives, sas et
demi-tours, et les conjectures défilent dans le nouvel univers triplé de
l'unité cybernétique. C'est lorsque Nathalie s'est mise à refluer qu'il a
commencé à percevoir qu'il l'avait perçue. Le neural avait donc bien eu lieu
se dit il - en "avançant comme un automate" se dit-il.
Il avait noté qu'il ne savait s'il partait avec elle. Il se souvenait des
graphes de Tat ; « il va appeler ça "narcissisme
intégral » se dit Toll. Il s'entend parler à un autre. « Est-ce
que c'est la Capitaine Vantempoup qui m'a transmis ça ? Parce que c'est une
femme ? Ce n'est pas
concevable. Est-ce que c'est cette nouvelle identité qui m'échappe ? L'idée
de Nathalie m'a jeté dans un furieux développement. Je comprends mon
psychanalyste ! »
Toll a maintenant pénétré l'immeuble sous scellées jusqu'au cœur
où Zénon résidait. En tant qu'avatar son parcours virtuel traverse les
barrières, mais il n'échappe pas à une étreinte inconnue. « Il passe un
isthme.. capital » - arrivant à la chambre le désordre intérieur s'est
stabilisé ; il parle à l'autre
de lui à la troisième personne. Toll n'à jamais connu qu'à peine les
appartements privés de son ratava - la psychanalyse ne pouvait opérer
qu'à cette réserve ; mais de toutes façons les lieux sont dans l'obscurité
totale. Il peut passer libre des chaînes administratives mais ne peut pas
ramener l'électricité tout de même ! Voilà Anthéaum Toll dans le dressing
de Zénon Kelper, la prochaine porte c'est la chambre. Il avance à tâtons en
se demandant ce qu'au fond il fait là. Il était fou de penser que cette
inspectrice que Nath avait rendue folle lui avait donné rendez-vous dans ces
lieux interdits par la police mais où, et pour cause elles seraient les mieux
cachées. Mais d'un coup brusque la question ne se pose plus : il se heurte avec
un occupant aussi aveugle que lui ! La surprise les tétanise. Car l'autre
aussi. Et pas question de parler, il y a des micros posés. C'est sûr. Ils se tâtent.
Ils n'ont que ça pour communiquer. Et en premier lieu, très vite Toll se rend
compte qu'il ne s'agit pas d'une femme. L'autre le tâte aussi, on pourrait
presque dire le pelote. Ils se prennent les mains pour se stopper, mais se
touchent les bouches, entre la pulpe et le souffle. Dans le noir absolu et le
silence autant. Juste les narines qui feulent, les visages qui.. Anthéaum
graduellement comprend :
Il est dans la chambre de Zénon, son ratava. Il vient de
faire un neural - et c'est lui-même !! Anthéaum est avec Toll et l'inverse
aussi. C'est son double. C'était ça l'isthme.
« Capital ! » pense-t-il « Le
narcissisme intégral qui se compte.. étais-je bête.. il compte avec mon
double ». L'autre n'a pas l'air de penser à ça et continue à l'explorer,
l'enlacer, l'étreindre.. « Une vrai bête, c'est ça ! le désir de la
consommation totale » continue Toll
à penser. « Je n'aurai jamais pensé mon moi-idéal si
vigoureux.. » s'étonne-t-il étreint.
Et d'un coup l'autre lui empoigne le sexe pour l'immobiliser. Et
Toll, de sa main lui, lui bâillonne la bouche. Car quelque chose à bougé. Ils se figent comme ça crispés
; « Je ne sommes pas seul » signifie à l'unisson corporel l'être-un double. Il y a eu un bruit dans la chambre qui a traduit une présence. Un pâle
reflet de lumière le confirme. L'image incarnée de Toll s'arrache, s'extirpe,
il y a une bousculade. Il se sauve. Toll l'entend dévaler l'escalier. Il reste
seul avec la nouvelle présence. Le noir s'est refait. Elle est à son oreille
qui chuchote « C'est moi, l'infirmière..
- Mais qu'est-ce que vous faites là ?!
peste à voix basse Anthéaum scandalisé.
- Tutoie moi, je t'ai reconnu.
- Ce n'est pas une raison, tu m'as fait peur.
» continue-t-il encore plus bas, pas certain qu'elle sache qui il est.
- C'est Dodo qui m'a demandé de te suivre, je
savais que tu allais revenir pour regarder au rideau » presque inaudible
explique Eury. Toll comprend qu'elle croit que c'est son Mari.
« Ça
m'excite, prends-moi » C'est Eury qui l'attire sur le lit. La
personne a changée mais l'étreinte se poursuit ; Toll se dit qu'en se trouvant dans la chambre de
son ancien amant, le Zénon Kelper de ses jeunes années, l'infirmière est
saisie d'émois. Par ailleurs il reconnaît que l'expérience
narcissique qu'ill vient de vivre lui a mis le corps dans un état caractéristique
- « Je t'ai trouvé tout chaud ;
qu'est-ce que tu faisais là ? » demande-t-elle. Anthéaum
réalise aussi qu'il lui faut éviter les longues conversations s'il veut rester incognito. Il soupçonne Eury de double jeu. Elle le déshabille et il lui rendre le même
service bientôt motivé d'un plaisir
inconnu : pour la première fois depuis sa création d'avatar Anthéaum
s'immerge dans un rapport sexuel. Fantastique, reconnaît-il. Sa
partenaire semble d'une opinion proche ; après un bon quart d'heure il
s'épanche sans retenir une goutte. Pour la conversation le stratagème a
réussi. Ils ont soufflé mais pas beaucoup parlé. Comme il éprouve un petit
blues en contre-coup, il trouve l'excuse pour continuer à ne rien dire. En
laissant imaginer qu'il va chercher une cigarette Toll disparaît.
Ça arrange bien Eury aussi. Au milieu du rapport, elle a
identifié son partenaire ; ce n'était pas Mari. Très vite elle eu un
soupçon, mais le caractère nettement démineur la jetait dans la perplexité.
Elle les avait bien connus - pas sexuellement mais dans leur intimité tout de
même. Eury avait nettement reconnu Soissan. À la fin du coït elle n'avait
plus de doute - mais une certaine incertitude de savoir ce qu'elle allait faire
de la nouvelle. Le premier démineur n'était donc pas mort disparu. Est-ce
qu'il était toujours resté chez Zénon ? Ou bien mais pourquoi s'y cachait-il
à présent ? Il avait fui ; Eury décida également de partir rapidement.
Elle a d'ailleurs rendez-vous avec
Tat pour une séance ; elle a juste le temps de traverser le Çabas pour
rejoindre son périphérique. Émergeant de ses recherche sur l'identification
de Thx, Tat décroche au signal. Eury est déjà en train de parler ; il prend
l'écoute au vol.
« ... et alors là, je réalise que c'est
Soissan Déphos ! Vous l'avez connu ?
- Je veux bien le détail.
- Ma patronne m'a dit de suivre Mari. Comme je me doute bien qu'il ne
passe pas son temps à chercher des sandwichs, j'ai cherché où il pouvait
être. S'il a la moindre conscience professionnelle, il doit rôder chez Kelper
où nous nous sommes rencontrés la première fois. Il pouvait y être aussi par
jalousie, on ne sait jamais. Bref, j'ai été faire un tour parce que si
Alinstan peut lui fournir un passe, j'ai aussi mes entrées, je sais comment
Zénon s'organisait et j'ai aussi été voir dans la chambre. Là j'ai d'abord
cru que c'était lui, mais j'ai reconnu Soissan. Je vous ai bien dit qu'on
était dans la chambre, sur le lit ; c'est ça qui vous intéresse ou c'est
Soissan ?
- Je veux bien savoir comment que ça se fait..»..
Potar fait-il exprès.. Après un silence l'analysante dit comment elle l'entend.
« Soissan a été ma plus belle
réussite, c'était mon premier démineur qui fut lancé. C'est lui qui a
trouvé Zénon Kelper. On suivait tout à partir d'Alinstan. Les administrations
ont perdu sa trace en Çabas mais nous avions les renseignements en première
ligne. Nous l'avions suivi chez Zénon et c'est quand il s'est mis dans un
fauteuil que tout s'est détraqué. Jusque là il n'avait trouvé que des
vieilleries, un pianocktail, un Uxmpp.. des collections de jeunesse de..
- Et quoi !? l'interrompt brusquement
Tat perdant son contrôle.
- Plus rien justement, on a perdu le contact. Mais
j'allais partir sans demander de reste ! Quand je préparais aussitôt son
remplaçant, HomoPou s'est mis en fusion. Il faut dire qu'il chauffait
déjà pas mal à cause de la psychohistoire. Vous croyez que ça a été de ma
faute ?
- La séance a pris fin
- C'est toujours un peu frustrant mais je vous
remercie, ça m'a fait du bien. »
Aussitôt raccroché Tat s'élance dans une search à l'IA. Cette
analysante a fait un lapsus ou bien elle l'ignorait, mais en tous cas il n'y a jamais eu d'
"Uxmpp" chez Vian ; c'était sûrement un Ucmpp que ce Déphos avait
trouvé chez Kelper. Si c'était le cas, il en faisait commerce ! Encore une
trahison. Mais cela expliquerait le retour de Soissan. Tat envoie des requêtes
à tout va savoir si c'était un flux de demande de v*q qui avait provoqué la
panique d'HomoPou.. Il est interrompu par Toll qui sonne.
« Je demande
une séance en urgence. Je suis divisé. Il faut que j'en parle.
- Allons bon, j'écoute.
- Je me trouvais dans la chambre de Zénon. Je veux dire que je "me" suis
trouvé dans la chambre.. je veux dire que j'étais dans la chambre et je me
suis trouvé.. » Avec force détails
Anthéaum s'explique. Après un long diatribe sur l'hypothèse narcissique que
son intelligence automate lui impose, il conclut :
« ..en étant surpris mon double s'est
enfuit et je suis resté seul avec Eury. Et nous avons fait l'amour. Je
comprends tout à fait ce que c'est maintenant. »
Le psychanalyste lutte contre la précipitation - les informations
que l'analysante Eury venait de lui procurer sont en contradiction avec ce que
vient de lui dire l'analysant ; Tat décide de ne pas
parler de ce qu'il pressent mais d'abord qu'il faut calmer Toll.
« C'est classique ! Ton homosexualité
primaire s'est résolue. Tu cherchais à faire l'amour avec toi-même jusqu'à
ce que tu rencontres une femme.
- Je comprends.. On
peut rester là-dessus ?
- Euh, oui.. » dit Tat un peu gêné par la conclusion facile. En
réalité il a conforté son soupçon. Toll se trompe à moitié en croyant que
c'est son double. Bien qu'Eury ait reconnu Soissan
quand ils étaient au lit et qu' en réalité Toll avait fui, comment a-t-il pu croire qu'il faisait l'amour quand c'était l'autre
? C'était bien l'ucmpp de Soissan, mais ucmpp tout de même ! Tat s'émerveille
de la démonstration du narcissisme intégral magistralement obtenue
par Déphos, en même temps qu'il perçoit un risque énorme : le caractère
d'unité de la prétendue "unité cybernétique" se perd ! Les ucmpps
s'attirent et se confondent en se rencontrant. Tout l'effort contenu dans le
dispositif de sa psychanalyse serait réduit à néant ? Par la faute de Zénon
? Par un ucmpp sans psychanalyste ? Ou est-ce Toll qui échappe ? Il faudra lui
demander en temps vou...
Le poste de commandement appelle ! C'est la Capitaine. « Décidément,
ça n'arrête pas aujourd'hui » bougonne Tat qui répond : « Bonjour,
- Capitaine VanTempoup, je désire vous parler tout de suite.
- Bon, j'écoute.
- Vous savez d'où je reviens ?!
( Tat ne répond pas - se tenir silencieux est un must ; le
question de Nath signifie qu'elle n'en est pas sûre non plus mais va
l'apprendre en parlant )
- J'ai rencontré votre télépathe Tyrésias
* ... et je pense que vous avez
quelques explications à me donner.
- C'est surtout Vopt qui aurait pu vous
renseigner. C'est lui qui connaissait bien la Diane Épique, qui a fait déposer
les armes à La Seule Armée du Monde. Moi je ne..
- C'est Hélène n'est-ce pas ?
- Oui, bien sûr vous l'avez compris. C'est
pour ça que rien ne nécessitait la Grande Lessive et qu'elle a été inutile.
- Mais vous aviez les clefs ! reproche Nath qui n'admet pas
l'excuse - Tyrésias m'a révélé que les psychanalystes
ont les codes de la négation et du double semblant.
- Oui, par la section Dûr de la
Cybernétique, nous le savons?
- Vous vous rendez-compte ? même les étudiants de l'Institut de
Cybernétique n'ont pas connaissance du Dûr, j'en témoigne, et vous.. !
Vous aviez les codes ! Et vous n'en avez rien fait ! Et vous vous contentez de dire
que la Lessive ne sert à rien. Vous êtes une bande de poftrons !?
- Écoutez.. les psychanalystes n'ont
peut-être pas été à la hauteur, mais il faut que vous preniez vos
responsabilités aussi. C'est de vous-même que vous avez découvert qu'Hélène
sortait d'un oeuf. Alors, je vais vous donner mon point de vue. Une chose a
manqué à Vopt - nous le savons parce qu'il a plusieurs fois demandé à la
psychanalyse son savoir. mais Luxhey a toujours interdit qu'on lui donne la
clef. À présent, si vous voulez la trouver, il faudra vous intéresser un peu
plus à l'hormonologie. »
Ça la coupe à Nathalie.
Elle cherche un crochet : « Je
ne sais pas qui est Luxhey
- Tyrésias ne vous a donc pas tout dit ; il faudrait que vous y
retourniez ? »
Le coup l'achève et l'envoie dans les cordages. « Je
suis capitaine de ce navire et j'y reste. Je vous commande un rapport que vous
me rendrez toute affaire cessante, sur les trois livres de l'affaire Zénon
» lance-t-elle pour sauver la face - mais
indiscutablement tout de même.